Interview de Julien Cayssals réalisée le 26/12/09 pour NCSL.
NCSL : Ce qui m’a paru le plus intéressant dans tes dessins, car le plus énigmatique, c’est ce savant mélange entre la poésie, l’humour et une forme d’étrange. Est-ce que ce sont des traits caractéristiques de ton travail ?
Julien Cayssals : La poésie et l’humour sont des notions essentielles que j’utilise dans la plupart de mes travaux. La poésie me permet d’avoir une trame narrative, elle donne du sens à mon travail. Concernant l’humour, on pourrait dire qu’il s’ajoute à l’ensemble. Mon but n’est pas de traumatiser le spectateur mais plutôt de le rendre heureux. Il y a bien assez de malheur dans le monde, pourquoi en créer davantage ?
NCSL : Dessin, collage, gravure, linogravure, « peinture sur pierres »… Ta créativité ne semble se limiter à aucun support. Est-ce un moyen pour toi de te renouveler ou une volonté de surmonter des difficultés nouvelles en développant des techniques jusqu’alors inconnues ?
J.C : C’est bien en effet une volonté de se renouveler pour ne pas tomber dans la banalité et un style graphique figé qui motive les recherches dans mon travail. L’expérimentation permet de casser les habitudes graphiques que l’on a tendance à prendre au fil du temps et qui deviennent très vite mécaniques. C’est dans ce sens que la recherche graphique me paraît intéressante.
NCSL : Si tu devais décrire en quelques mots les fonctions de l’illustration, tu dirais quoi ?
J.C : L’illustration fait parti du domaine de la représentation, elle est indissociable du texte. D’où l’importance de la relation texte/image. Si je devais résumer ma vision de l’illustration, je penserai à : représentation, expérimentation et communication.
NCSL : Tu as peint en extérieur sur tout un monticule de pierres. Qu’est-ce que l’extérieur, la rue te permet d’exprimer en plus ?
J.C : D’abord, il y a le support. Pour cette création avec les pierres, j’ai vraiment essayé de m’approprier une partie de l’environnement à la manière d’un Ernest Pignion-Ernest par exemple qui, avec ses collages, arrivait à saisir l’essence même d’un lieu. Ce qui compte, c’est d’abord de trouver un sens narratif à l’atmosphère d’un lieu et d’en proposer ensuite une interprétation, une création originale.La rue permet aussi de confronter son travail à un public. Cela me permet de prendre un peu de recul en laissant d’autres regards que le mien interpréter une création.
Il y aussi ce plaisir de peindre en collectif et que je ne développe pas lorsque je peins en intérieur.
NCSL : Quelles sont les autres formes d’art susceptibles d’influencer tes dessins ?
J.C : Le théâtre m’enrichit beaucoup graphiquement notamment grâce au travail de Philippe Genty dont l’univers singulier, la poésie, les mises en scène, les marionnettes très plastiques et les jeux d’ombre et de lumière m’ont toujours fascinés. Plus largement, je pense que tous les moyens d’expression, de communication peuvent devenir des sources d’inspiration. On a la chance de vivre dans un monde pluriel et ouvert dans lequel se forme des connections entre toutes les formes d’art. Pourquoi ne pas en profiter ?
NCSL : Le métier d’illustrateur, notamment dans l’illustration jeunesse, est souvent intimement lié au monde l’enfance. Quel regard portes-tu sur lui ?
J.C : Je trouve cela absolument passionnant d’aborder le monde de l’enfance que ce soit par le bais du graphisme ou de manière plus narrative. Je crois que l’illustration jeunesse nous offre de nombreuses possibilités et ne nous fige pas dans un principe conventionnel. C’est pour cette raison qu’il existe aujourd’hui une vraie richesse plastique dans ce domaine.
NCSL : As-tu suivi une formation artistique particulière ?
J.C : J’ai fait trois années en STI Arts Appliqués à Rodez. Je me suis ensuite dirigé en BTS design de produits à l’ISG à Paris. Et je suis actuellement en DMA illustration à Auguste Renoir à Paris 18.
NCSL : Il y a quelques mois, tu as réalisé ta première exposition à Millau. Quel souvenir tu en gardes et penses-tu renouveler l’expérience à l’avenir ?
J.C : Les expositions s’apparentent un peu à ce que je recherche lorsque je peins dans la rue : ce besoin de confronter son travail à d’autres regards afin d’avoir un avis extérieur sur sa propre création, de prendre un peu de recul. Je pense aussi que c’est un excellent moyen de se créer un réseau de connaissance qui aboutit parfois à de beaux projets collectifs.
NCSL : On te sait très sensible à l’illustration jeunesse, tu vas d’ailleurs bientôt faire un stage dans la très bonne maison d’édition des Requins Marteaux. Penses-tu que les « images fixes » des livres soient encore susceptibles de faire rêver les plus petits quand on voit aujourd’hui à quel point la télévision envahit dès le plus jeune âge notre espace visuel et sonore ?
J.C : Oui. Je suis convaincu que le livre garde une place importante dans l’illustration jeunesse. Le contact « physique » avec l’objet livre, principe de base des pop’up (fenêtres intruses), apportent des notions de surprise, de matière, et d’émerveillement. L’enfant est au contact du livre. Il n’y a pas la distance d’un dessin animé où l’enfant est toujours séparé de l’histoire par l’écran de télévision.
NCSL : Y’a-t-il des auteurs ou des maisons d’édition dont tu apprécies particulièrement le travail ?
J.C : Il y a tellement de maisons d’édition dont j’apprécie le travail que je ne pourrai pas toutes les citer. Disons que celles qui ont le plus d’influence sur moi sont les Requins Marteaux et l’Association pour leurs « esprit décalé », les éditions du Rouergue et Autrement pour le talent des illustrateurs. J’apprécie en particulier les dessins de Christian Voltz, Dran, Béatrice Alemagna, Rebecca Dautremer. Mais il y en a tant d’autres…
NCSL : Tu as récemment collaboré avec NCSL en réalisant pour eux la très belle en-tête du site. Quels sont tes projets pour l’avenir ?
J.C : Je vais continuer à exposer des créations, seul ou à plusieurs. J’ai aussi un projet de livre qui repose sur la collaboration de plusieurs illustrateurs.
Mais je vais surtout continuer de me faire plaisir en dessinant et en faisant partager mon travail.
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