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© Emile Sacré / All rights reserved


Le hic aujourd’hui, c’est que l’additif passe mal !

En février 2009, The Fat Duck, meilleur restaurant au monde selon un magazine britannique, a dû fermer ses portes pour une durée de quinze jours. La raison ? Plusieurs clients s’étaient plein de diarrhées et de vomissements une fois avoir quitté le restaurant triplement étoilé. Rappelons que le chef, Heston Blumenthal, est l’un des partisans les plus fidèles à la cuisine moléculaire. La presse se fit naturellement l’écho de la nouvelle et après l’accroissement surprenant du nombre de plaintes en quelques jours, Heston Blumenthal dut annuler 800 réservations et fermer son enseigne plus d’une dizaine de jours. Il avait perdu 900 000 euros. « C’était le pire moment de ma vie de cuisinier » avouera le chef anglais.

Un autre coup dur pour la cuisine moléculaire a été l’annonce de la fermeture du restaurant El Bulli pour l’année 2012 et 2013. Un symbole qui tombe ?!

La raison officielle avancée par le chef Ferran Adria est la panne d’inspiration et le désir de se retirer pour mieux revenir derrière les fourneaux dans deux ans.
Une autre raison, moins glorieuse celle là, pourrait être la tempête médiatique autour de la cuisine moléculaire qui éclata au printemps 2008 autour du chef barcelonais triplement étoilé Santi Santamaria qui accusa publiquement le chef le plus connu au monde de réaliser une cuisine « spectacle » à base de gélifiants et d’additifs pouvant être dangereux pour la santé. Cette polémique prit une tournure mondiale avec l’enquête à charge du journaliste gastronomique Jörg Zipprick qui soulignait la toxicité de ces additifs dans la cuisine d’Adria.

Dans Les Dessous peu apétissants de la cuisine moléculaire, Jörg Zipprick explique qu’à partir de 2002, le chef catalan a eu recours à des colorants, des gélifiants, des émulsifiants et des acidifiants (E 404, E 407, E 418…) jusque là réservés à l’industrie agroalimentaire et que ces substances ne sont pas neutres pour la santé. Deuxième point sombre sur lequel insiste le journaliste, c’est la gamme d’additifs, Textura, que le chef commercialise sous sa propre marque. « Le business de Ferran Adria consiste à mettre de la méthycellulose ou des carraghénanes dans des coffrets design, à les rebaptiser Metil ou Kappa pour faire chic, et à les vendre partout dans le monde. Le problème, c’est que ce genre de substance tombe dans les mains de chefs qui veulent faire du « Ferran Adria » sans avoir aucune idée des dangers liés au surdosage ».
Au final, si la retraite (accélérée?) du chef catalan fait aujourd’hui figure de symbole d’une gastronomie moléculaire chancelante, il me semble que ça serait sous-estimer le génie artistique de Ferran Adria que de le réduire à cette seule polémique. Il serait prématuré d’oublier maintenant les horizons nouveaux sur lesquels la cuisine moléculaire nous a permis de nous ouvrir et de travailler.

Une chose est sûre ; si elles le sont, ce sera avec de l’acide tartrique !

Après un engouement quasi unanime à l’échelle du monde, la cuisine aux formules magiques et aux poudres innovantes ne semble plus faire le bonheur de nos papilles. Faut-il s’en inquiéter ou trouver salutaire le retour à la cuisine traditionnelle ?

La cuisine moléculaire est née au début des années 80. Le druide ? C’est le génial inventeur français Hervé This. Personnage haut en couleur, cheveux hirsutes et col Mao, il semble tout droit sorti de l’imaginaire d’un Hergé. Brillant chimiste de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), c’est en 1980 donc qu’il a fait entrer la science en cuisine, à moins que ce ne soit l’inverse. Depuis, il n’a cessé de décortiquer ce qui se jouait dans nos casseroles jusqu’à inventer une expression sur mesure pour désigner sa discipline en 1988 : « gastronomie moléculaire ». Ça y est, le mot était lâché ! Aucune expression depuis la « nouvelle cuisine » dans les années 70 n’avait connu pareil engouement dans le milieu des chefs étoilés. Hervé This venait, peut être sans le savoir, d’ouvrir une nouvelle page de la gastronomie mondiale. Dans son sillon, des centaines de chefs ont exploré la possibilité de textures et formes nouvelles (Thierry Marx, Nicolas Magie, Jean Chauvel…).

C’est surtout le chef espagnol Ferran Adria, triplement étoilé et élu meilleur chef au monde à cinq reprise, qui fait figure de gourrou incontesté dans la nébuleuse de la gastronomie moléculaire.
Si son restaurant, El Bulli, à Roses (Espagne), est fermé six mois de l’année, c’est parce que le chef espagnol conçoit dans son laboratoire culinaire un caramel à l’huile de courge, des olives sphériques, un fois gras en poudre ou bien alors un biscuit de gimgembre à l’azote liquide. Champion suprême dans sa discipline, il refuse cependant l’appellation « gastronomie moléculaire » pour désigner son travail car trop « marketing » à son goût.

Mais cela n’empêche pas à toute une génération de jeunes toques (qui a osé dire toqués ?) de porter fièrement la gastronomia molecular au firmament de la galaxie gastronomique mondiale. Les éditions Minerva publieront d’ailleurs le manifeste de cette cuisine espagnole audacieuse et auront raison de le faire puisque le succès en librairie sera plus que probant. Alors bien sûr la cuisine moléculaire va commencer à faire parler d’elle. L’amusement et l’expérience s’opposent-ils au goût ?
« Oui à la cuisine moléculaire quand elle relève du progrès et non du gadget et qu’elle ne perd pas de vue la seule chose qui compte : le goût », tranche Pierre Gagnaire, trois étoiles et fidèle admirateur du travail d’Hervé This.
En France, le feu sous la marmite a pris et bien pris, notamment sur le marché « amateur ». Il est désormais possible pour celui qui se sent cuisinier dans l’âme de réaliser des mousses, des écumes ou bien des cappuccinos sucrés/salés en se procurant par exemple la gamme d’additifs alimentaires que Ferran Adria a lancé en France sous le nom de Texturas.

© Corentin Penloup / All rights reserved

Dessin réalisé par Corentin Penloup dont vous pourrez trouver l’excellent blog ici :
http://copart.canalblog.com/

Interview accordée par Philippe Saisse pour NCSL le 23/06/2010.

NCSL : Vous avez étudié le piano, les percussions et la composition au Conservatoire Nationale de Paris puis vous avez rencontré l’immense Gary Burton au Berklee College of Music qui vous a appris la technique du vibraphone. À quel moment avez-vous su que la musique ferait partie intégrante de votre vie ?

Philippe Saisse : Pour être plus précis, j’ai étudié l’harmonie à Paris puis la composition à Barklee College of Music. J’ai toujours su que c’était pour la musique que je vivrai, quoi qu’elle soit ! Depuis tout petit en fait, en écoutant mon père jouer et chanter, en l’accompagnant en studio le voir réaliser des disques…

NCSL : Vos collaborations sont très diverses et variées. De David Bowie à Al Jarreau, en passant par Chaka Khan, les Rolling Stones ou encore Marc Antoine, qu’est-ce que vous offre ces collaborations ?

P.S : C’est ce que je fais, mon métier, ma vocation, c’est pour moi la seule raison d’être, me pointer dans un studio et jouer avec des collègues. Bowie ou Tartempion, cela n’a aucune importance tant que ça joue !

NCSL : Vous avez signé le retour de Claude Nougaro en 1987 en composant et produisant l’album « Nougayork ». Comment fait-on pour s’adapter à un style et à une personnalité aussi forte que la sienne ?

P.S : Comme on s’adapte aux autres en fait. Mais c’était certainement plus difficile pour Claude de s’être adapté à un style qui lui était aussi étranger que le son New Yorkais et à notre façon de travailler. Heureusement, nous avions beaucoup d’atomes crochus et il était dans une période très réceptive et créatrice à ce moment-là.

NCSL : Vous dîtes que la musique de votre dernier album « At World’s Edge » est née à un moment de votre vie particulièrement sombre. Pouvez-vous nous en dire plus ?

P.S : Une énorme page de ma vie a été tournée qui a commencé avec les événements du 11 septembre 2001 et qui a continué en pente douce jusqu’à notre décision de partir en Californie. New York moribond, Los Angeles nous a offert un second départ et une vie plus créatrice avec un mode de vie beaucoup plus méditerranéen en un sens.

NCSL : Avez-vous eu le sentiment que le changement d’air en allant à L.A. était nécessaire pour réaliser ce disque ? Qu’est-ce que cela a pu apporter à l’album ?

P.S : Il n’y aurait jamais eu « AWE » ni tout ce qui s’en suit (la nomination aux Grammys etc…) sans ce départ. L’idée d’être resté à New York me donne froid dans le dos !

NCSL : Une des particularités de cet album est son « nomadisme ». À l’exception du percussionniste Lenny Castro, du batteur Simon Phillips et du trompettiste Rick Braun tous les autres musiciens n’étaient pas sur place pour enregistrer. Pensez-vous que cela ait enrichi l’album ?

P.S : C’est la beauté de choisir des musiciens pour le projet au lieu de la restriction géographique ! Heureusement que ça c’est fait comme ça car je vous assure qu’il n ‘y a pas une autre Angélique Kidjo ni un autre Pino Palladino sur la côte ouest ! Jeff Beal et Anas Alaf sont aussi à Los Angeles mais eux non plus je ne les ai pas vus ! Je n ‘ai même jamais rencontré Anas, mais c’était lui ou personne !

NCSL : Vous avez tourné dans les années 80 avec Simon Phillips aux côtés d’Al di Meola, Pino Palladino a joué sur votre album Masques en 1995, et Jeff Golub, Marc Antoine ou encore Angélique Kidjo font partie de vos nombreuses collaborations artistiques. On a le sentiment que cet album a été fait entre amis. Pourquoi ce choix ?

P.S : J’ai pensé à tort ou à raison que ce disque serait mon dernier, donc j’ai voulu faire une sorte de testament musical avec mes musiciens et amis préferrés sur cette planète, sans restrainte aucune. Il en manque quelques uns, Andy Snitzer, Bill Evans, Nich Moroch, Mark Egan…Mais pas beaucoup !

NCSL : On ressent tout au long des morceaux une profonde générosité et une réelle liberté. Après plusieurs années passées en studio à produire ou à composer pour d’autres, est-ce que cet album ne sonne pas finalement pour vous comme un retour aux sources en tant que musicien ?

P.S : C’est surtout qu’il n’y avait personne d’un label ou de la promotion radio pour casser les bonbons au niveau créatif ! J’ai fait ce que j’ai voulu comme je l’ai voulu… On n’a rien vendu, mais on a été remarqué au passage… Puis j’en suis très fier… Je pourrais m’arrêter là et en être satisfait.

NCSL : Vous avez reçu en 2009 le prestigieux Grammy Award du meilleur album de jazz contemporain. Comment l’avez-vous pris ? Comment percevez-vous la reconnaissance de vos pairs ?

P.S : C’est miraculeux, aussi un immense honneur d’avoir succédé à Joe Zawinul…

NCSL : Parce que vous avez longtemps composé pour les autres, on mésestime trop souvent votre amour de la scène. Vous êtes actuellement en tournée avec le groupe PSP aux côtés de Simon Phillips et de Pino Palladino. Que vous apporte la scène ?

P.S : J’ai finalement trouvé en Simon et Pino des compères avec qui je suis bien sur et en dehors de la scène. Sur scène, je n’ai jamais ressenti une telle alchimie avec des musiciens. On peu jouer n’importe quoi, n’importe comment et l’on s’éclate ! Il n’y a pas de barrière aucune, c’est notre groupe et chacun peut jouer comme il le veut. Nous sommes tellement à l’écoute l’un de l’autre que l’on se sent sécurisé quand on improvise un truc car les 2 autres suivront toujours !

NCSL : En février 2005, le ministre français de la culture vous a fait décorer du titre de Chevalier des Arts et des Lettres. Comment percevez-vous cette reconnaissance de votre pays natal ?

P.S : Cela plait beaucoup aux Américains qui trouvent ça très cool… On m’appelle « Sir Philippe » !
Nous avons eu une très belle réception à l’ambassade de France à New York… Gato Barbieri, Al DiMeola, Michel Legrand, Jeff Golub y étaient. C’est un honneur évident.

NCSL : Enfin une question que je me pose depuis un moment déjà. Je me rappelle avoir vu une vidéo de vous sur Internet dans laquelle vous faisiez, en compagnie de Marcus Miller et de David Sanborn de la musique avec des jouets. Pouvez-vous m’éclairer là-dessus ?

P.S : Un de nos moments les plus embarrassant ! Sur le show Night Music de David Sanborn dans lequel nous étions tous le « house band », on devait faire un sketch dans lequel un fan nous aurait écrit en disant « bien sur les Miller, Hakim et autres Bulock jouent bien car ils ont du super matos ! » Alors on leur a montré ce que nous pouvions faire avec des jouets ! On s’est bien marré ! C’était le bon vieux temps !

Je suis bien obligé maintenant de l’avouer, non sans honte : j’étais jusqu’à présent encore tout à fait innocent à la musique de Philippe Saisse. Pour dire vrai, je l’étais même doublement. D’abord parce que les conditions dans lesquelles je découvris l’album étaient réellement fortuites ; c’est sur le plateau de One Shot Not, émission musicale de haute volée diffusée le jeudi soir sur Arte et présenté par le frappadingue Manu Katché, que ma rencontre avec Philippe Saisse eut lieu. Et quelle rencontre ! C’était renversant. Un groove beau à pleurer que se faisaient tourner les trois lascars dans un mélange d’énergie brute, de contrôle et de sobriété qui donnait merveilleusement à entendre et à voir. P.S.P. Trois lettres, comme un symbole, qui me ramèneront désormais inlassablement à ces deux minutes trente de shoot musical intégral ! Il était dit que l’histoire ne s’en arrêterait pas là… Je partis plein d’espoir à la recherche d’informations, d’albums moins récents ou alors d’un myspace. À part des dates et des vidéos de concert, à peu près rien ! Pas même un article Wikipedia ! 

Un peu déçu, mais la curiosité toujours en éveil, je décidai de m’intéresser en particulier au claviériste du groupe, Sir Philippe Saisse. En inscrivant son nom dans la barre de recherche de ma page google, j’étais comblé de voir qu’un horizon d’informations s’ouvrait désormais à moi. J’appris d’abord que son nom était bien français, qu’il était né dans la cité phocéenne et avait étudié la musique au conservatoire de Paris avant de perfectionner son jeu de piano outre-atlantique au Berklee College of Music, à Boston. Au fil de mes lectures, je découvris ensuite les références et collaborations du pianiste français. Et là je dois dire que les bras m’en tombèrent. Parmi toutes il y avait : Al Jarreau, les Rolling Stones, David Bowie, Tina Turner, Grace Jones, Marcus Miller, David Sanborn, Chaka Khan et Al di Meola. Que se soit en tant que producteur, accompagnateur ou compositeur (il signe en 1987 le retour de Nougaro en produisant intégralement son album « Nougayork »), il avait toujours su travailler de concert avec chacun de ces artistes. J’imagine, en regardant cette vidéo, que la bonne humeur et l’amusement avec lesquels Philippe Saisse semble travailler, n’ont pu entraver la qualité de ses productions.

Qu’en est-il de ses productions personnelles ? Parlons en justement… Si Philippe Saisse n’hésite pas à donner un coup de pouce musical à ses amis artistes, il n’oublie pas d’exprimer sa sensibilité en réalisant des albums qui sont incontestablement plus proches de ce qu’il est. Il signe en 1988 son premier album solo, Valerian, qui laisse déjà entrevoir l’avenir musical prometteur qui se dessinera ensuite devant lui. Depuis 1988, Philippe Saisse a composé dix autres albums en solo et semble ne pas vouloir s’arrêter en si bon chemin. Évidemment quand on s’intéresse de près à un musicien et surtout quand on découvre un répertoire musical aussi riche et fourni, l’envie vous prend de vous plonger intégralement dans toute sa discographie. Et ça n’a pas loupé ! Je suis revenu de cette expérience sensorielle sincèrement ému.

Si vous prenez le temps d’écouter attentivement la musique de Philippe Saisse, vous découvrirez un nouveau monde de grâce, de poésie et de lumière que chacune des notes du piano associée à l’imaginaire de celui qui l’écoute rend visible. C’est une expérience inouïe.



Qui plus est, il est impassable de concevoir une musique si sensorielle et sensible sans reconnaître les qualités humaines de celui qui la fait naître et lui donne vie. Plus simplement et en ne le connaissant qu’au travers de ses morceaux, je pense que Philippe Saisse est quelqu’un de profondément humain et de généreux. Au fond, si sa musique est brillante, c’est parce qu’elle brille précisément comme un hommage à la vie et aux émotions qu’il y a dedans !  

Je serais tenté de fermer mon article sur ces dernières phrases ; mais comment ne pas évoqué son actualité récente qui est la marque de sa consécration ?
Avec la sortie en 2009 de son dernier album solo, At World’s Edge, Philippe Saisse signe un « retour » marqué puisqu’il a reçu en 2009 le prestigieux Grammy Howard du « meilleur album jazz contemporain ». Disons quelques mots sur cet ambitieux projet musical.

Aux origines de l’album, il y a une fuite d’eau ! C’est en effet l’inondation inattendue de son studio d’enregistrement à New York, qui va convaincre Philippe Saisse de quitter Big Apple pour Los Angeles. David Lynch disait à propos de la ville : « J’adore L.A. Je sais que beaucoup de gens y vont et n’y voient qu’une ville tentaculaire, où l’identique se reproduit à l’infini. Mais lorsqu’on y reste un certain temps, on se rend compte que chaque quartier a une atmosphère qui lui est propre. Aujourd’hui encore, L.A demeure un endroit superbe ». On imagine maintenant mieux je crois dans quelle atmosphère cet album a été originalement conçut.

Il faudrait pour faciliter sa lecture aussi évoquer le décès du père du pianiste, intervenu durant sa production. Ainsi plusieurs morceaux (At World’s Edge, Through tainted glasse, Junto,..) sont bercés dans une émotion profonde propice à la mélancolie et à la méditation.

At World’s Edge est aussi l’album d’un pur cosmopolitisme musical ! Philippe Saisse a fait le pari de joindre au projet des artistes et des amis qui lui sont chères. Parmi eux, on peut citer ses deux compères de P.S.P : Simon Phillips à la batterie (batteur de Toto, des Who, de Jeff Beck ou encore de Mick Jagger) et Pino Palladino à la basse (bassiste des Who, de John Mayer, d’Erykah Badu, de Di Angelo ou encore de Clapton). Mais sont également intervenus : Lenny Castro aux percussions, Jeff Golub à la guitare, Rick Braun et Jeff Beal pour les trompettes, Kirk Whalum au saxophone, Michael Davis au trombone ainsi que David Rice et Angélique Kidjo (Grammy du meilleur album musique monde en 2008) au chant.

Vous l’aurez compris, cet album qui a été conçut entre Los Angeles, Paris, Londres et Tokyo n’est pas seulement un énième album dans la discographie de Philippe Saisse. Il est l’harmonie parfaite de l’exigence et des qualités techniques avec l’émotion, le talent et la générosité d’un homme.

S/.

Interview de Julien Cayssals réalisée le 26/12/09 pour NCSL. 

NCSL : Ce qui m’a paru le plus intéressant dans tes dessins, car le plus énigmatique, c’est ce savant mélange entre la poésie, l’humour et une forme d’étrange. Est-ce que ce sont des traits caractéristiques de ton travail ?

Julien Cayssals : La poésie et l’humour sont des notions essentielles que j’utilise dans la plupart de mes travaux. La poésie me permet d’avoir une trame narrative, elle donne du sens à mon travail. Concernant l’humour, on pourrait dire qu’il s’ajoute à l’ensemble. Mon but n’est pas de traumatiser le spectateur mais plutôt de le rendre heureux. Il y a bien assez de malheur dans le monde, pourquoi en créer davantage ?

NCSL : Dessin, collage, gravure, linogravure, « peinture sur pierres »… Ta créativité ne semble se  limiter à aucun support. Est-ce un moyen pour toi de te renouveler ou une volonté de surmonter des difficultés nouvelles en développant des techniques jusqu’alors inconnues ?

J.C :  C’est bien en effet une volonté de se renouveler pour ne pas tomber dans la banalité et un style graphique figé qui motive les recherches dans mon travail. L’expérimentation permet de casser les habitudes graphiques que l’on a tendance à prendre au fil du temps et qui deviennent très vite mécaniques. C’est dans ce sens que la recherche graphique me paraît intéressante.

NCSL :  Si tu devais décrire en quelques mots les fonctions de l’illustration, tu dirais quoi ?

J.C : L’illustration fait parti du domaine de la représentation, elle est indissociable du texte. D’où l’importance de la relation texte/image. Si je devais résumer ma vision de l’illustration, je penserai à : représentation, expérimentation et communication.

NCSL : Tu as peint en extérieur sur tout un monticule de pierres. Qu’est-ce que l’extérieur, la rue te permet d’exprimer en plus ?

J.C : D’abord, il y a le support. Pour cette création avec les pierres, j’ai vraiment essayé de m’approprier une partie de l’environnement à la manière d’un Ernest Pignion-Ernest par exemple qui, avec ses collages, arrivait à saisir l’essence même d’un lieu. Ce qui compte, c’est d’abord de trouver un sens narratif à l’atmosphère d’un lieu et d’en proposer ensuite une interprétation, une création originale.La rue permet aussi de confronter son travail à un public. Cela me permet de prendre un peu de recul en laissant d’autres regards que le mien interpréter une création. 

Il y aussi ce plaisir de peindre en collectif et que je ne développe pas lorsque je peins en intérieur.

© Julien Cayssals / All rights reserved

NCSL : Quelles sont les autres formes d’art susceptibles d’influencer tes dessins ? 

J.C : Le théâtre m’enrichit beaucoup graphiquement notamment grâce au travail de Philippe Genty dont l’univers singulier, la poésie, les mises en scène, les marionnettes très plastiques et les jeux d’ombre et de lumière m’ont toujours fascinés. Plus largement, je pense que tous les moyens d’expression, de communication peuvent devenir des sources d’inspiration. On a la chance de vivre dans un monde pluriel et ouvert dans lequel  se forme des connections entre toutes les formes d’art. Pourquoi ne pas en profiter ?  

NCSL : Le métier d’illustrateur, notamment dans l’illustration jeunesse, est souvent intimement lié au monde l’enfance. Quel regard portes-tu sur lui ?

J.C : Je trouve cela absolument passionnant d’aborder le monde de l’enfance que ce soit par le bais du graphisme ou de manière plus narrative. Je crois que l’illustration jeunesse nous offre de nombreuses possibilités et ne nous fige pas dans un principe conventionnel. C’est pour cette raison qu’il existe aujourd’hui une vraie richesse plastique dans ce domaine.

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NCSL : As-tu suivi une formation artistique particulière ?

J.C : J’ai fait trois années en STI Arts Appliqués à Rodez. Je me suis ensuite dirigé en BTS design de produits à l’ISG à Paris. Et je suis actuellement en DMA illustration à Auguste Renoir à Paris 18.

NCSL :  Il y a quelques mois, tu as réalisé ta première exposition à Millau. Quel souvenir tu en gardes et penses-tu renouveler l’expérience à l’avenir ?

J.C : Les expositions s’apparentent un peu à ce que je recherche lorsque je peins dans la rue : ce besoin de confronter son travail à d’autres regards afin d’avoir un avis extérieur sur sa propre création, de prendre un peu de recul. Je pense aussi que c’est un excellent moyen de se créer un réseau de connaissance qui aboutit parfois à de beaux projets collectifs. 

 

© Julien Cayssals / All rights reserved

 

NCSL : On te sait très sensible à l’illustration jeunesse, tu vas d’ailleurs bientôt faire un stage dans la très bonne maison d’édition des Requins Marteaux. Penses-tu que les « images fixes » des livres soient encore susceptibles de faire rêver les plus petits quand on voit aujourd’hui à quel point la télévision envahit dès le plus jeune âge notre espace visuel et sonore ?

J.C : Oui. Je suis convaincu que le livre garde une place importante dans l’illustration jeunesse. Le contact « physique » avec l’objet livre, principe de base des pop’up (fenêtres intruses), apportent des notions de surprise, de matière, et d’émerveillement. L’enfant est au contact du livre. Il n’y a pas la distance d’un dessin animé où l’enfant est toujours séparé de l’histoire par l’écran de télévision.

NCSL : Y’a-t-il des auteurs ou des maisons d’édition dont tu apprécies particulièrement le travail ?

J.C : Il y a tellement de maisons d’édition dont j’apprécie le travail que je ne pourrai pas toutes les citer. Disons que celles qui ont le plus d’influence sur moi sont les Requins Marteaux et l’Association pour leurs « esprit décalé », les éditions du Rouergue et Autrement pour le talent des illustrateurs. J’apprécie en particulier les dessins de Christian Voltz, Dran, Béatrice Alemagna, Rebecca Dautremer. Mais il y en a tant d’autres…

NCSL : Tu as récemment collaboré avec NCSL en réalisant pour eux la très belle en-tête du site. Quels sont tes projets pour l’avenir ? 

J.C : Je vais continuer à exposer des créations, seul ou à plusieurs. J’ai aussi un projet de livre qui repose sur la collaboration de plusieurs illustrateurs.

Mais je vais surtout continuer de me faire plaisir en dessinant et en faisant partager mon travail.

Rappelons d’abord que ce qui motive nos choix dans la sélection des artistes que nous présentons c’est avant tout le degré d’implication et de sincérité qu’ils mettent dans leur art, sans quoi l’art ne serait pas véritablement art. Julien Cayssals fait partie de ces gens rares.

© Julien Cayssals / All rights reserved

Quand on parcourt pour la première fois les dessins de Julien, on est frappé par leur pouvoir de suggestion et leur force narrative. On a presque l’impression que c’est de la fixité de l’image que naît l’imaginaire du spectateur, tant le talent perse en elle comme une évidence. Mais c’est en réalité un travail beaucoup plus complexe, qui nécessite pour celui qui l’accomplit de devenir véritablement un alchimiste des sentiments. Si une illustration réussie a bien vocation à créer indirectement, par le biais de celui qui la regarde, un monde nouveau, une histoire, Julien doit d’abord tremper son pinceau dans la palette infinie des émotions. Il nous le dit d’ailleurs lui-même. L’humour et la poésie sont ses principales couleurs.

Il confesse du bout des lèvres que son utilisation plurielle de supports plastiques (dessins, collages, peinture, gravures…) est un moyen pour lui de se renouveler constamment. On préfèrera y voir l’expérimentation de techniques nouvelles pour servir au plus près l’humour et la poésie grâce auxquelles sa sensibilité (et la nôtre) s’émerveille. Les mille visages en pierre ou plutôt les mille pierres au visage ne sont en fait que la continuité des illustrations jeunesses de Julien. Ce qui nous le prouve ? Sans doute, ce même sourire que nous esquissons en face d’elles et qui nous fait sentir, le temps d’un instant, cet innocence que l’on croyait perdue. Julien travaille aussi beaucoup sur son carnet de croquis. « C’est mon laboratoire à échelle réduite » aurait-il pu nous confier. Là encore, aux vues du soin apporté dans la réalisation, la finition du trait et la sincérité des émotions qu’elles transmettent, on a du mal à croire que ces images ne servent que de simples brouillons destinés à perfectionner une technique ou à poser les bases d’un projet nouveau. Non. Définitivement. Julien n’a que ce qu’il mérite. C’est le lot de tout véritable artiste. Où qu’il aille, il n’échappera pas à son talent. Il aura beau changer à l’infini de directions, de supports, c’est l’évidence d’un travail sincère qui se fera encore plus éclatante.

© Julien Cayssals / All rights reserved

Julien est par ailleurs très attaché à la notion de partage dans ses illustrations. C’est aussi ce qui fait sa force. Il n’imagine pas une image « fermée » dans laquelle le sens serait immédiatement ou dans sa totalité révélé. C’est sans doute pour cette raison qu’il n’utilise que très peu le texte. Il préfère faire confiance au pouvoir de suggestion de ses dessins et à la capacité d’émerveillement du spectateur. Et il a raison. Cette volonté de faire partager son art devient explicite dès lors qu’il réalise ses premières expositions ou collabore à des projets collectifs. C’est un moyen pour lui de soumettre sa vérité à celle des autres, donc de facto d’enrichir le sens et la valeur de ses créations.
Julien, en résumé, a déjà tout d’un grand tant il ne fait que dérouler, à travers sa volonté d’explorer des techniques nouvelles, la seule pelote rouge à jamais inépuisable : celle du cœur et des émotions.

Sacha.

Sans fausse-note

Ami lecteur, je t’invite à me suivre, à marcher avec moi sur le sentier encore vierge du talent. Laissons nous porter par la musique que nous entendons au loin. Qu’importe où le vent nous mène tant que la brise est douce. Et dieu que la musique est belle ! Elle nous parvient d’abord dans un murmure. Ce sont les premiers accords du très beau « Each the Other’s World Entire ». Nous sommes si bien, à marcher là ensemble, tous les deux, les étoiles dans le dos. Très vite pourtant, l’ambiance se transforme et dans la nuit nous apparaît la vision d’un monde inquiétant. La musique, elle aussi se transforme. Tu reconnais comme moi les sanglots du synthétiseur d’« Euphony » et tu appréhendes déjà la suite. La suite tu la connais si bien… Une avalanche de faux-rythmes, le clavier joue pour nous et la guitare s’accorde à ton esprit effrayé. Diable que la peur nous grise ! Échappons nous vite avant que notre coeur explose !

Le cul à terre, et le front qui perle, nous nous asseyons, les jambes croisées, au creux d’un arbre. Les rythmiques étourdissantes du morceau n°2 ne nous parviennent plus maintenant que de manière irrégulière et différée. Mais c’est du sol que naît et remonte une musique nouvelle. Sous notre cul, elle nous décrit des cercles et nous sommes obligés de coller l’oreille au parterre pour suivre son sinueux mouvement. Elle nous berce. Tu crois deviner « 5 temps »¹. Moi j’y devine plutôt la fin d’un cycle. Nous nous endormons sous les étoiles le corps rempli d’amours et de rêves…

Le soleil se lève. La lumière du jour, partout autour de nous, se répand avec une intensité nouvelle. Les pieds me brûlent tant le sol est chaud. Toi, lecteur, vieux veinard de renard, tu ne sens rien puisque tu portes des chaussures ! Nous décidons d’avancer. Toi, à un rythme normal et serein. Moi, par sautillement animal tant la voûte plantaire me fait mal. Mais drôle de coïncidence ! Je sens prêt de nous l’incandescence d’une musique endiablé. C’est du Funk qu’on entend ! Tu es si heureux de l’entendre à ton tour, que comme moi, tu quittes tes “marcassins” et suit la danse frénétique de mes pieds en feu. C’est StickWood² qui mène le bal.

Épuisés par tant d’effort par temps caniculaire, nous décidons de nous rafraîchir un peu à l’onde d’une rivière. Je bois dans tes mains et tu bois dans les miennes. Puis longtemps nous nous regardons dans le miroir de l’eau… Avec tant d’insistance que bientôt nos reflets s’échangent. La chose nous inquiète. Un peu ahuris nous percevons quand même dans les profondeurs du cours d’eau une musique inhabituelle. Tu l’as reconnu immédiatement ! Il s’agit de « The Black Man & the Baby Boy ». Il faudra attendre d’entendre la couleur des cuivres pour que nos cœurs se réchauffent. Mais quel délice de passer si rapidement du froid au chaud ! J’adore ce morceau ! Nous décidons de suivre la rivière. C’est le seul moyen que nous ayons de nous perdre correctement. La chanson « Try to see » accompagne chacun de nos pas et leur donne un peu plus de courage. A mi-chemin, elle nous soulève même. Dans un semi-état de lévitation, on tente alors de nager dans les airs. Quelle merveilleuse surprise ! On s’aperçoit que le mouvement ample de nos membres, au contact de l’air, crée des sifflements et les premières notes de « Wash & Clap Your Feet Now »³.

Le reste n’est que folie très justement maîtrisée dans une tempête musicale de bonne humeur où tous les éléments se mêlent, pêle-mêle, dans un tournoiement sulfureux d’où jaillit, tel le feu d’un volcan, la lumière éblouissante d’un éclair détonnant : c’est la naissance de jeunes talents.

Sacha

NB : ¹Les morceaux cités dans les deux premiers paragraphes sont ceux des Quadricolor et sont disponibles en ligne à l’adresse suivante : 4quadricolor4 ²Stickwood & the Matches est un jeune groupe de funk parisien, hélas sans myspace pour le moment, en pleine production de leur première maquette.                         ³Le dernier paragraphe est consacré à la musique des Black Feldspaths, groupe d’origine toulousaine qui commence à se faire un nom dans la capitale. Retrouver leurs chansons à cette adresse : blackfeldspaths